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Reconstruction du lycée

1859-1899, la reconstruction du lycée de Rennes

1803-1859 : menaces sur le vieil établissement

Mise à jour : décembre 2020

Qu'il soit nommé "Lycée" en 1803, "Collège royal" de 1814 à 1848, puis de nouveau — et cette fois-ci définitivement — Lycée, l'établissement fonctionne toujours en 1859 dans les bâtiments du collège hérité de l'ancien régime.

Certains de ces bâtiments datent du XVIè voire du XVè siècle, les autres remontent au XVIIè siècle. Les menaces qui pèsent en 1859, sur le vieil établissement sont la vétusté, le resserrement des espaces, l'aménagement urbain et les projets ferroviaires.

 

Vétusté
Dès 1803, à l'ouverture du lycée, on évoquait l'état de délabrement de l'établissement fruit de l'effet conjugué d'un manque d'entretien chronique et des dégradations commises par des troupes qui y avaient été casernées pendant l'épisode révolutionnaire. Les années qui suivirent ne furent guère propices à l'engagement de travaux de fond. Tout au plus trouve-t-on trace en 1823 de la construction d'un nouveau portail donnant accès à la basse-cour, et, en 1842, de l'aménagement de deux dortoirs au-dessus de l'aile des cuisines et du réaménagement - dans une optique hygiéniste - des locaux de l'infirmerie.

Resserrement de l'espace bâti disponible
Par rapport au collège d'ancien régime, l'établissement, qui avait cédé son église à la paroisse de Toussaints avait dû — pour célébrer le culte (on est avant la Séparation de 1905) — revenir à l'antique chapelle Saint-Thomas. Il n'avait pas pu récupérer l'espace de l'ancienne "chapelle des Messieurs" qui après avoir servi à l'Ecole du Droit avait été dévolue au Musée municipal pour abriter ses collections. Ce n'est qu'après le récent déménagement de ce dernier dans le Palais Universitaire voisin, qu'on avait pu y installer un gymnase.

Conséquences des aménagements urbains et des projets ferroviaires.
Au nord, l'immense espace des jardins qui s'étendait jusqu'aux berges de la Vilaine, qu'on avait partiellement aménagé en "cour des jeux" pour les internes en 1803, venait d'être amputé à l'occasion du comblement du grand méandre de la rivière qui avait préludé à la construction des quais (1841-43).

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Figure 1 : Détail du ''Plan de traverse de la Vilaine dans la Ville de Rennes'' entre le passage ''des trois arches'' et le pont Saint-Germain. AMR 3FM09.
Sur ce document — non daté mais antérieur à 1841 — on voit, au nord, le tracé des quais projetés et l'emplacement du futur pont Saint-Georges. Au sud, le Collège royal — et les maisons qui l'enserrent — rues Saint-Thomas et Saint-Germain ainsi que le long de ''la promenade des murs'', l'imposante maison qui appartiendra en 1861 à la famille de Léon. 

Au sud ce sont les bâtiments du lycée sur la rue Saint-Thomas qui sont carrément voués à la destruction.

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Figure 2 : Les bâtiments du lycée sur la rue Saint-Thomas (intérieur et extérieur). Dessin de J.-B. Martenot (1866). AMR 2FI2712.

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Figure 3 : Maisons  et partie du lycée frappées d'alignement. Dessin 1856. AMR 3FI36.

La municipalité souhaite en effet rectifier et élargir cette antique rue de la basse-ville en la portant à 12 mètres, ce qui lui permettrait au passage de détruire les maisons qui abritaient jadis des "pensions pour écoliers" mais étaient devenues — au grand dam des curés de Toussaints et des proviseurs successifs — des foyers de prostitution (1) profitant du voisinage de la caserne Kergus.

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Figure 4 : Maisons donnant sur la rue Saint-Germain, vues par l'arrière depuis la cour de service du lycée, au sud de l'église Toussaints. Dessin de Th. Busnel (1884).

Le projet, un temps envisagé, d'aménager la gare au nord des quais (Mail Donge), joint à la décision de prolonger la ligne vers l'ouest breton, aurait immanquablement conduit à faire passer les voies au niveau des anciens remparts, c'est-à-dire au ras des bâtiments du lycée, ce qui aurait signé la disparition de ce dernier.

On songeait dès lors à le reconstruire au nord de la Vilaine dans un quartier plus "huppé".

C'est finalement le choix d'installer la gare au sud de la ville, bien au-delà des remparts, qui va tout changer.

La municipalité d'Ange de Léon qui souhaite développer la cité vers le sud, en direction de la gare, décide, en effet,  de faire du lycée — reconstruit sur place et à neuf, au bord d'une grande avenue — le second (2) monument emblématique de ce nouvel espace urbain.

Comme il n'est pas question d'interrompre l'enseignement, le travail va s'étaler sur quarante ans,

- de mars 1859 (pose de la première pierre le long de l'avenue de la Gare en construction)

- à août 1899 : date de la livraison de la salle des fêtes qui se substituait au gymnase de 1885 et qui a servi, le mois suivant, de cadre au procès Dreyfus).

1859-1899 : logique et paradoxes d'une reconstruction.

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Figure 5 : Plan du vieux lycée et des parcelles privées avant 1859 (Schéma A. Thépot).

Le jeune architecte de la Ville, Jean-Baptiste Martenot, propose de construire un peu en retrait de la future Avenue de la gare, un bâtiment imposant qui accueillerait les classes, dortoirs, appartements (proviseur), services (infirmerie, lingerie, bibliothèque) logés dans la partie sud promise à la démolition.

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Figure 6a : Plan de la première réalisation de J.-B. Martenot (Schéma A. Thépot).
Au sud, bâti parallèlement au tracé de l'ancien rempart, l'obstacle de l'hôtel de Léon.

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Figure 6b : Le bâtiment neuf le long de l'avenue de la gare vers 1870.

Toutefois, l'absence de chapelle dans le nouvel édifice (terminé en 1869), et l'attachement au four situé rue Saint-Thomas, offrirent un sursis à démolir.

L'hypothèque "chapelle" fut levée par l'expropriation des parcelles situées à l'angle de l'avenue et de la rue Saint-Thomas puis par l'acquisition de l' "hôtel de Léon" (cf. Fig 1).

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Figure 7 : Plan des parcelles à exproprier : teneur et nom des propriétaires. AMR 2FI2683.
La seule maison à étage et soubassement de pierre est indiquée par le point bleu sur l'image.
Le reste est constitué de maisons de bois sans étage, de baraques et de hangars.

L'aile de jonction et la chapelle sont terminées en 1879. Ce qui ne signifie pas — et ce sera vrai pour les travaux ultérieurs — qu'elles soient à cette date, entièrement aménagées.

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Figure 8 : Le lycée de Rennes en 1880 (Schéma A. Thépot).

Les réfectoires et la cuisine du vieil établissement se trouvaient dans l'épaisse aile nord-sud constituée de deux bâtiments accolés longitudinalement par un mur pare-feu. Avant de songer à les démolir il fallait construire un nouvel espace de restauration.

• La première tranche de destruction/reconstruction (1ère entreprise) commence donc naturellement par l'édification sur le grand espace de la "cour des jeux", d'un ensemble autonome de bâtiments, séparé de Toussaints par une étroite cour de service surcreusée sur laquelle ouvrent les cuisines. Au-dessus des cuisines se trouvent deux réfectoires qui donnent de plain-pied avec la cour. Pour remplacer le gymnase aménagé dans l'ancienne 'chapelle des Messieurs" que l'on a au préalable détruite, un nouveau gymnase est construit le long de la nouvelle rue Toullier (1862).

Dès cette première phase de travaux, le souci ministériel de développer les sciences expérimentales pousse Martenot à adopter un parti étrange : anticipant sur le plan des travaux soumis aux autorités, le voilà qui greffe un embryon d'aile de chimie et de sciences naturelles sur les murs du vieux lycée ! Ce qui —remarquons-le — "fossilise" celui-ci et en retarde encore la démolition.

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Figure 9
 : Première phase de reconstruction du lycée de Rennes (Schéma A. Thépot).
Par commodité, au nord de la cour, on a donné au nouveau gymnase son emprise au sol actuelle (acquise en 1899 lors de sa transformation en Salle des fêtes).

Il est amusant de savoir que l'appartement du censeur des études qui se trouvait au 1° étage du vieil établissement, entre la ''cour des classes'' (restée intacte au sud) et la ''cour des jeux'' occupera — jusqu'en 1994 — une place identique dans le nouveau bâtiment entre ce qui sera la ''cour des colonnes'' et la ''cour des grands'' — aujourd'hui appelée ''cour Dreyfus'' — .

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Figure 10 : Le lycée vu du Sud-Est vers 1885. Coexistence des deux établissements  (BMR - Bulletin de la société des anciens élèves, 1931).
Le nouveau pavillon sud-est de trois étages où se trouvent les salles d'expérimentation est relié par une courte aile d'un étage au mur du vieux lycée (2 étages) qui continue à faire saillie sur la rue Saint-Thomas. Le clocheton qui signale le pavillon d'honneur ouvrant sur l'ancienne ''cour des jeux'' atteste que cette aile n'est pas encore détruite.

• L'expropriation et la destruction des maisons situées à l'ouest de l'établissement permet de lancer une deuxième phase de construction : celle du Petit lycée (classes élémentaires) qui aura sa propre entrée à droite de l'église Toussaints.

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Figure 11 : La construction du Petit lycée (Schéma A. Thépot).
En cassant l'aile ouest et en l'articulant à l'aile sud par un pavillon pentagonal, l'architecte épouse au plus juste le terrain récupéré après l'élargissement de la voirie.
Les salles de classe des écoliers ainsi qu'un préau — qui sera vite fermé et transformé en gymnase — occupent le rez-de-chaussée.
Le premier étage le long des rues étant réservé à l'infirmerie et à la lingerie, le long de Toussaints se  trouvent les locaux d'internat.

• Paradoxalement ce sont donc les locaux les plus anciens et les plus délabrés, qui sont détruits en dernier lors de la troisième phase de travaux.

Elle consiste en la construction des bâtiments complétant la "cour des colonnes" au sud et à l'est (3) et réalisant la jonction sur la cour de la chapelle avec les salles construites dès la première phase (salles d'expérimentations, petits amphis et salles de travail des professeurs).

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Figure 12 : L'achèvement du lycée Jean-Baptiste Martenot (Schéma A. Thépot).
Tout l'îlot urbain est occupé par le lycée.

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Figure 13a : Le lycée neuf vu du Sud-Est (cliché pris entre 1897 [début du tramway] et 1904 [date de la carte postale].
Le long du lycée, le tracé de la rue Saint-Thomas est rectifié. La perspective butte sur l'étroitesse de la vue Vasselot.
Le bâtiment nord-sud entre la ''cour de la chapelle'' et ''la cour des colonnes'' a gagné un étage.
Son dernier étage mansardé abrite des ateliers de dessin spacieux à éclairage zénithal (voir figure 13b).

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Figure 13b : Dernière ''entreprise'' (détail du dessin en élévation de J.-B. Martenot - AMR 2FI330).
Jonction avec l'aile expérimentale construite en phase 1 de reconstruction. En coupe, au 3° étage, pas de combles : les salles de dessin ont un éclairage zénithal.

• Un dernier remaniement intervient après 1893 quand, à la demande de la ville qui veut une salle des fêtes, J-B Martenot décide, faute de place, puisque le lycée occupe tout l'îlot urbain, de la construire au détriment du gymnase qui sera rehaussé d'un étage éclairé par des oculi.

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Figure 14 : Vue cavalière du Nord-Est. 1895 ?
On peut dater le cliché d'entre 1893 et 1897 (il n'y a pas encore de tramway et, rue Toullier, le gymnase est toujours là). Collection particulière.

Notes :
(1) Cf L'Echo des colonnes n°21, pp 3-5, Colette Cosnier, ''De l'influence de la prostitution sur l'ouverture d'une porte de lycée'' et L'Echo des colonnes n°22, pp 6-7, Agnès Thépot, ''J'ai frapppé au numéro 5''.
(2) Le premier étant le Palais universitaire [aujourd'hui le Musée des beaux-arts] terminé en 1855, mais dont la façade donne sur les quais
(3) Cour des colonnes initialement nommée ''cour des piles'' par l'architecte.

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