Henri FREVILLE, Professeur au lycée de garçons de Rennes (1932-1949)
En octobre 1932, Henri Fréville est nommé professeur délégué d’Histoire-Géographie au lycée de garçons de Rennes. Il le quittera en octobre 1949 pour rejoindre la faculté de Lettres de Rennes : 17 ans entrecoupés par la guerre, la captivité, une mission auprès du commissaire régional de la République et un détachement au CNRS. Issu d’une vieille famille paysanne de l’Artois, profondément attaché à son Nord natal, Henri Fréville aurait aimé pouvoir y mener sa carrière d’enseignant. Retrouver la capitale où il avait fait ses études universitaires ne lui aurait pas déplu. Aussi est-ce sans enthousiasme qu’il accueillit sa nomination en Bretagne, cette région éloignée qu’il ne connaissait pas.
Né en 1905, Henri Fréville a passé son enfance à Norrent-Fontes, chef-lieu de canton
du Pas-de-Calais, proche d’Aire-sur-la-Lys. Ses parents instituteurs publics, eurent trois enfants. Après ses études primaires Henri Fréville entra en 1918 comme interne au collège Mariette à Boulogne-sur-Mer où il obtint le premier baccalauréat. C’est au lycée Faidherbe de Lille qu’il accomplit son année de philosophie.Après l’obtention du second baccalauréat il intégra en 1923 le lycée Louis le Grand pour y préparer le concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure. Rapidement, Henri Fréville fut séduit par la vie intellectuelle parisienne. Il se passionna pour les mouvements philosophiques émergents et les rencontres nombreuses qu’il fit. Les débats d’idées, les échanges intellectuels et la
vie politique le conduisirent cependant à négliger ses études au point que le bon élève échoua au concours d’entréeà l’Ecole Normale Supérieure. Mais ces années d’une exceptionnelle densité le marqueront à tout jamais,décideront de ses engagements futurs et orienteront son action tout au long de sa vie. Les amitiés qu’il nouera se révèleront déterminantes. Comment le fils de Jules-Henri Fréville, directeur d’école publique, catholique pratiquant, militant dreyfusard, fidèle lieutenant de l’Abbé Lemire, député-maire républicain d’Hazebrouck, n’aurait-il pas été séduit par Marc Sangnier que lui avait fait rencontrer Henri Guillemin ? Henri Fréville adhérera à la « Jeune République » et se révélera rapidement un actif militant.
Ayant dû renoncer à l’Ecole Normale Supérieure, il préparera une licence d’Histoire à la Sorbonne tout en travaillant pour financer ses études. Quelques professeurs le marqueront particulièrement. Parmi eux, Jérôme Carcopino qui l’enverra en mission en Algérie, occasion pour lui de découvrir et mieux comprendre l’Afrique duNord, et Georges Pagès historien de la monarchie française du XVIIIème siècle et spécialiste de l’histoire de
l’Europe Centrale. Il se révélera jusqu’à sa mort un conseiller et un guide précieux pour Henri Fréville qui grâce à lui fera la connaissance de nombreux hommes politiques français et étrangers, notamment tchécoslovaques, yougoslaves, roumains et polonais.
Après avoir effectué son service militaire en 1931 à Lille, Henri Fréville épousa en mars 1932, Antoinette Fournier. Ils s’étaient rencontrés à l’occasion du 14 juillet 1919 pour réciter une poésie devant une foule recueillie. Henri Fréville avait perdu son frère aîné mort au combat à 18 ans et demi, en 1916, Antoinette Fournier était la fille du notaire de Norrent-Fontes. Le jeune couple découvre Rennes en septembre 1932. Une ville dont la population n’atteignait pas encore100 000 habitants, jolie mais triste, aux allures parfois de gros village. La capitale de la Bretagne était encore marquée par l’attentat qui, le 7 août, avait détruit le monument de Jean Boucher érigé dans la niche de l’hôtel de ville : il symbolisait l’union de la Bretagne à la France.Se loger n’était pas aisé. Non sans difficultés, Henri Fréville et son épouse finirent par trouver un appartementdans le quartier Jeanne d’Arc, alors excentré. En attendant, ils étaient descendus à l’Hôtel de Bretagne, place de la Gare, qui leur avait été recommandé par un jeune journaliste de L’Ouest Eclair, ancien camarade de faculté, responsable local de la « Jeune République », Emile Cochet.
Le lycée de garçons de Rennes était un établissement à vocation régionale dont l’effectif ne dépassait cependant pas 500 élèves. Henri Fréville y fut accueilli chaleureusement par ses collègues, notamment ceux de la section d’Histoire-Géographie, au nombre de deux. L’infirmerie et la lingerie étaient tenues par quatre religieuses de la congrégation des filles du Saint Esprit. Le chanoine Baudry, aumônier nommé en 1933, reconnu par tous, célébrait la messe dominicale dans la chapelle.
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Les nombreux internes dont quelques boursiers originaires des « colonies », étaient autorisés à sortir le jeudi etle dimanche à condition d’avoir un correspondant en ville. L’uniforme était de rigueur. Les élèves portaient une blouse grise. Généralement studieux, ils étaient désignés par leurs patronymes précédés de « Monsieur ». Même si le conseil de discipline était parfois réuni pour sanctionner des entorses au règlement intérieur que l’on qualifierait aujourd’hui de simples incartades, dans l’ensemble, la bienséance et le respect de l’autorité étaient naturels. Le corps professoral et les membres de l’administration constituaient un microcosme au sein duquel les relations étaient généralement cordiales. On se recevait. Les proviseurs aimaient organiser de chaleureuses réceptions.
Le Rectorat d’Académie, réduit à quelques collaborateurs, et l’appartement de fonction du Recteur cohabitaient avec le musée des Beaux-arts, quai Emile Zola. Au jour de l’an, l’épouse du Recteur y recevait de façon très protocolaire les professeurs et leurs conjointes. L’Imprimerie Simon éditait chaque année un carnet de visites précisant les jours de réception des notabilités de la ville dont faisaient partie les professeurs des lycées. Quelle ne fut pas la surprise de Madame Fréville de voir, un jour, se présenter à son domicile un colonel en grand uniforme avec cape noire, dolman rouge, gants blancs, la poitrine constellée de décorations, venu lui présenter ses voeux tandis que son ordonnance attendait, impassible, dans le couloir ! C’était le père de l’un des élèves de son mari.
En 1934, Henri Fréville fut reçu à l’Agrégation d’Histoire, 6ème sur 22, avec une mention spéciale du professeurCharles Diehl, président du Jury, pour sa leçon d’histoire moderne. A ce succès, il convenait d’associer Madame Fréville. C’est en effet elle, qui, tandis que son mari était retenu au lycée, avait très assidûment suivi les cours d’agrégation dispensés par les Professeurs Rébillon, Desprès, Musset… à la faculté de Lettres, place Hoche.